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LE VÉCU PAR LE PÉDIATRE DE L’ANNONCE D’UNE « MAUVAISE NOUVELLE » À L’ENFANT ET A L’ADOLESCENT

C. Crosnier-Schoedel a, *, N. Trocme ́ b, R. Carbajal a, G. Leverger b
a Service des urgences pédiatriques, hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr Arnold-Netter, 75012 Paris, France

Les études portant sur le vécu du pédiatre de l’annonce d’une mauvaise nouvelle à l’enfant et à l’adolescent sont quasi inexistantes. Cette annonce qui est pourtant le socle de toute prise en charge médicale est d’autant plus complexe qu’elle est plurielle, devant nécessairement passer par l’annonce faite aux parents. Nous avons proposé à 20 pédiatres hospitaliers un questionnaire de 30 questions sur le vécu de leur propre annonce d’une « Mauvaise Nouvelle » a un enfant ou un adolescent. Les obstacles auxquels ils se confrontent, malgré leur âge et le temps respectif de leur exercice de la médecine, sont multiples et sont dus à différents facteurs provenant autant des enfants, des adolescents, et de leurs familles que d’eux-mêmes. Les difficultés répertoriées par les pédiatres concernaient surtout, la notion temporelle de l’annonce, la place et le choix des mots utilises pour la faire, et la mauvaise compréhension des enfants et de leurs familles qu’elle soit d’origine intellectuelle, culturelle ou psychique. Ensuite, ils questionnent leurs propres capacités à le faire, parfois dans l’incertitude que les choses aient été ́ réellement comprises. Ils expriment le fait qu’eux-mêmes sont éprouvés psychiquement. Ils développent et mettent en place des stratégies pour de ́fier l’instabilité émotionnelle que provoque l’annonce de cette « Mauvaise Nouvelle » chez la plupart d’entre eux. Pourtant, beaucoup se sentent de ́munis et fragilise ́s, jusqu’a` parler d’un profond sentiment de solitude et de culpabilité

 Introduction

« Il n’y a aucune raison pour ne pas annoncer, après. . . qu’est-ce qu’on annonce et jusqu’où annonce-t-on ? » « Celui qui annonce est un oiseau de mauvaise augure ». « Je trouve c ̧a difficile émotionnellement. Surtout quand ils ont l’âge de mon fils » Paroles de pédiatres « L’annonce d’une ‘‘mauvaise nouvelle’’, est le point de de ́ part et le socle de toute thérapie et de toute prise en charge au plan médical, d’où` son importance. La Haute Autorité de sante  (HAS) la de ́finit comme une ‘‘Nouvelle qui change radicalement et négativement l’idee que se fait le patient de son (...) être et de son (. . .) avenir’’ [1] citant, par ailleurs, la phrase de I. Moley-Massol extraite de son ouvrage [2] sur l’annonce de la maladie : ‘‘Il n’existe pas de ‘bonnes’ façons d’annoncer une mauvaise nouvelle mais certaines sont moins dévastatrices que d’autres’’ ».Les études relativement nombreuses [3–5] concernant ce sujet, portent essentiellement sur le vécu de patients et de leurs familles et parfois des médecins. Elles nous ont souvent appris combien cela était difficile pour les uns comme pour les autres. Quant aux études portant sur le vécu particulier du pédiatre de l’annonce d’une mauvaise nouvelle a` l’enfant et a` l’adolescent, elles sont quasi inexistantes [5]. Pourtant, la situation dans ce cas est d’autant plus complexe que l’annonce est plurielle. L’annonce a` un enfant ou un adolescent en effet, doit nécessairement passer aussi par l’annonce faite aux parents [6,7]. Comment les pédiatres annoncent–ils alors à l’enfant ou à l’adolescent et à leur famille ? Quelles sont les principales difficultés qu’ils rencontrent et pourquoi ? Quel impact cela peut-il avoir sur l’annonce elle-même, et sur eux-mêmes [8].

 

2. Méthodes

Les auteurs, 2 psychologues de l’établissement hospitalier, se sont interrogées sur les différentes e ́ tapes de cette annonce tant au plan des pratiques, que du vécu émotionnel des médecins alors en jeu. Elles ont proposé a des pédiatres qui n’avaient pas de relations professionnelles avec elles, au sein de différents services de l’hôpital Armand-Trousseau (AP–HP - Paris), un questionnaire au cours d’un entretien individuel. Aucun refus n’a été ́ enregistre ́. Ce questionnaire était constitué de 30 questions dont 17 ouvertes, 9 semi-ouvertes et 9 fermés (Annexe 1). À la vue des 20 premiers entretiens collecte s, de l’importance des réponses recueillies et de leur redondance, les auteurs ont pris le parti de ne pas inclure davantage de pédiatres car cela ne leur semblait plus nécessaire. Elles ont ensuite procédé à une analyse quantitative et qualitative de ces réponses. Dans l’analyse qualitative, elles ont sélectionné ́ les réponses les plus représentatives et significatives de l’ensemble des pédiatres, bien qu’elles aient aussi décidé ́ parfois a` titre d’illustration, de porter a` la connaissance du lecteur certains témoignages singuliers. Tous les pédiatres concernent par cette étude, avaient donné ́ leur consentement pour une utilisation anonyme des données dans le cadre d’une recherche.

3. Résultats

Le questionnaire a été proposa 20 pédiatres (Tableau 1). Tableau 1 : Profil des pédiatres interroge ́s.20 médecins pédiatres Age médian Temps médian d’exercice de la médecin Spécialités 6 hommes 44 ans (65–35) 12 ans (34–7) Hématologie-oncologie Néphrologie ORL Urgences-pédiatriques

14 femmes 44 ans (56–28) 16 ans (32–1). Dermatologie Endocrinologie-gynécologie Hématologie-oncologie Ophtalmologie ORL Pédiatrie générale Urgences pédiatrique ORL : oto-rhino-laryngologie. 3.1. Définition et fréquence de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » La question de la de ́finition d’une « mauvaise nouvelle » a` annoncer a été la première pose aux 20 pédiatres : pour 6/20 d’entre eux, l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » était définie comme celle dont le pronostic vital e ́tait engage ́, mais une seule fois cependant le mot « mort » a été prononce ́de plus, 12/20 pédiatres pointaient que le cours de la vie de l’enfant allait, de` s lors, être modifie évoquaient une entre ́ e dans la « chronicité ́ » de la maladie, et mettaient en avant l’annonce de « se ́ quelles » importantes pouvant être physiques, psychiques ou sociale Enfin  2/20 pédiatres évoquaient le fait qu’annoncer une « mauvaise nouvelle » e ́tait pour le médecin « une e ́preuve » ou « une galère ».La fréquence de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » ainsi de ́finie pour les 20 pédiatres, e ́tait : une fois par an pour 2/20 pédiatres ;
􏰁 quelques fois par an pour 10/20 pédiatres
􏰁 au moins une fois par mois pour 8/20 pédiatres. Quel intérêt y va-t-il a` annoncer une « mauvaise nouvelle » à un enfant ou a` un adolescent ? Les 20 pédiatres ont affirmé ́ qu’il était important d’annoncer une « mauvaise nouvelle » a` un enfant ou un adolescent : 8/20 précisaient qu’il était nécessaire de le faire car non seulement l’enfant e ́ tait concerne ́ mais aussi parce que c’était le cadre légal 4/20 pédiatre sont expliqué ́que cela était nécessaire pour qu’il y ait adhésions aux soins ;3/20 pédiatres jugeaient cela important pour « ne pas traumatiser l’enfant ultérieurement » ; 5/20 ne savaient pas quoi répondre a` cette question. Les réponses à la question des critères selon lesquels les pédiatres devaient prendre la décision d’annoncer une « mauvaise nouvelle », concernaient pour plus de la moitie ́, directement le médecin. La nécessite ́ e ́tait qu’ils devaient, avant toute décision d’annoncer, bien connaître la pathologie, maitriser la spécialité ́, avoir la certitude du diagnostic ou/et du pronostic, et enfin qu’ils avaient l’obligation de vérité. Des critères plus intimes étaient aussi exprimés ́s comme la difficulté ́ pour eux de « mentir » ou « de cacher quelque chose a` l’enfant » a` qui il fallait dire quelque chose. Pour les autres, les critères de la décision pour annoncer une « mauvaise nouvelle », portaient sur les questions que posait l’enfant ou l’e ́évolution possible de la pathologie. Pourtant quand nous leur avons demandé ́ d’énumérer les raisons pour lesquelles un médecin ne pourrait pas annoncer une « mauvaise nouvelle », un seul pédiatre « ne voyait » vraiment aucune raison pour ne pas le faire, ajoutant ensuite et par ailleurs, n’avoir aucun critère particulier non plus pour annoncer « J’annonce à` tous et quel que soit l’Age ». La moitie ́ des pédiatres 10/ 20 évoquait des problèmes de communication (déficit cognitif, trop faible physiquement, coma). Les 5/20 d’entre eux mentionnaient la fragilité ́ des parents ou leur de ́ accord pour annoncer ou les fragilité ́ s psychiques de l’enfant avec un « risque de suicide » ou de « comportements violents ». Quant aux autres, ils exprimaient leur propre difficulté à le faire face a` l’incertitude du diagnostic ou l’entre ́e en soins palliatifs. 

3.3. Quand annoncer et faut-il revenir sur l’annonce une fois qu’elle est faite ?

Pour 5/20 des pédiatres mentionnaient qu’il « n’y a pas de bons moments » pour annoncer une « mauvaise nouvelle » pour la première fois a` un enfant ou a` un adolescent. Pour 15/20 des pédiatres, le moment « ide ́ al » pour annoncer une « mauvaise nouvelle » est celui qui réunit l’ensemble de certaines conditions d’annonce comme « un lieu adapte ́ », « tenir compte de l’aménagement sonore, ou géographiques du lieu », « prendre du temps », ou encore avoir la présence d’un « tiers ou de parents » :10/20 des pédiatres, n’avaient pas pu annoncer au moment où` ils l’avaient choisi ; 5/20 d’entre eux répondaient qu’ils en étaient eux-meˆ mes la cause « Il m’est arrivé ́ d’attendre jusqu’au moment où` ma position de retrait n’e ́ tait plus tenable. . . j’ai fini par le dire a` un moment que je n’avais pas prévu », ou encore « non, car j’avais pas envie de le dire ». La majorité ́ des médecins favorisaient ou attendaient la présence des 2 parents pour annoncer la « mauvaise nouvelle » « pour qu’ils entendent la même chose et qu’ils puissent en rediscuter a` la maison ou avoir le même regard sur les soins » : 12/20 pédiatres annonçaient a` l’ensemble de la famille ; 4/20 commençaient par les parents et ensuite les enfants ; 3/20 disaient l’annoncer aux parents puis a` l’enfant selon la pathologie, selon aussi le souhait des parents ou bien selon l’âge de l’enfant; 1/20 pédiatre faisait l’annonce a` qui e ́ tait présent sur le moment. Concernant la question de savoir s’il y a un « bon » âge pour annoncer la première fois et quel que soit le type d’annonce : 3/20 pédiatres ne savaient pas ; 1/20 pédiatre répondait positivement « Oui, vers 7–8 ans avec une difficulté ́ particulière a` l’adolescence » ; 16/20 pédiatres, donnaient des réponses négatives telles que « Il n'a pas de bon âge pour annoncer une « mauvaise nouvelle ». Pour quatre d’entre eux, c’e ́ tait au pédiatre lui-mêmeˆ me de s’adapter aux compétences de l’enfant qu’il prenait en charge ; 3 réponses spécifiaient que la période de l’adolescence pouvait cependant les mettre en difficulté ́ « je suis mal à` l’aise avec les ados » ; « quand ils sont grands, il y a des questions. . . ».Huit sur vingt pédiatres pensaient qu’il n’y a pas d’âge minimum pour annoncer mais pour les autres, s’est-il dire pour 11/20, ils n’annonçaient pas avant 5 ans, et enfin un pédiatre n’annonce ̧ait pas avant 7 ou 8 ans. Le souci pour la majorité ́ des pédiatres étai qu’ils ne savaient pas toujours ce que l’enfant ou l’adolescent avait compris de leur annonce quelle qu’elle soit, et quel que soit leur âge. Par ailleurs, 8/20 pédiatres, ont répondu qu’ils ne revenaient jamais sur l’annonce « Non (silence) par lâcheté ́ parce que c ̧a m’est trop lourd et pénible (silence) c ̧a me fait trop mal ». 12/20 pédiatres revenaient sur la première annonce faite. Ils le faisaient soit spontané ́ ment et régulièrement au cours des consultations, soit progressivement en fonction de l’âge et/ou du développement de l’enfant « Je l’interroge sur ce qu’il sait et je reprends », soit seulement au cours d’une aggravation ou de l’évolution de la maladie et enfin, ils le faisaient au moment où` les enfants ou les adolescents avaient des questions particulières a` poser. « Parfois les enfants reposent les questions a` d’autres interlocuteurs comme le psychologue, qui me les renvoie alors ». Quand un enfant a déjà` e ́ te ́ suivi antérieurement dans un autre service, 11/20 pédiatres répondaient qu’ils revenaient sur l’annonce du diagnostic, 9/ 20 ne le faisaient pas : « Pas force ́ ment si ce n’est pas pour c ̧a que je le vois. Souvent, on traite une autre pathologie comme un cancer et on demande un examen comme un audiogramme par exemple par rapport à` la chimio, et la`, nous devons encore annoncer les résultats. C ̧a m’e ́ nerve. . . l’enfant est fatigue ́ et on en remet une couche avec encore une annonce de ‘‘mauvaise nouvelle’’ alors que c ̧a pouvait attendre ». 3.4. Comment annoncer une « mauvaise nouvelle » ? A la question de savoir si le pédiatre faisait l’annonce seul ou avec quelqu’un et pourquoi :1/20 pédiatre ne faisait pas d’annonce lui-mêmeˆ me. « Je le ferai, quand je serais chef de service ». Il disait adresser alors dans ce cas le patient a` quelqu’un de comptent pour cela ;
12/20 pédiatres faisaient l’annonce seuls ; 7/20 pédiatres voulaient être accompagne ́ s par un tiers, soit ils évoquaient spontanément « la possibilité ́ de reformulation », leur besoin de ré assurance « Je suis moins angoisse ́ et moins seul devant ce truc horrible ». « Une présence physique nécessaire. . . n’importe laquelle, pour élargir le triangle entre les parents et le pédiatre », et enfin l’un d’eux a dit « pour rassurer » l’enfant, et « le préparer a` l’annonce ». Les « accompagnateurs » de l’annonce, étaient soit les externes-internes « Pour qu’ils apprennent et qu’ils ne soient pas désemparé ́ s quand ils seront chefs », soit les psychologues « pour mettre des mots, reformuler et analyser... », soit les infirmières « pour qu’elles puissent être un relais ensuite », soit « un autre médecin », soit « une association ». Un pédiatre a précisé ́ « qu’il ne faut pas être plus de 3 » pour faire l’annonce car « s’il y a trop de monde c ̧a peut-être inquiétant et faire comprendre que c’est grave » ; 7/20 médecins ne planifiaient pas le moment de l’annonce : 4 urgentistes, 2 ophtalmologues et 1 oto-rhino-laryngologiste disaient ainsi « ne pas pouvoir annoncer car certains résultats ne sont pas définitifs ». Une autre particularité ́ note ́ e dans ces services et surtout aux urgences e ́tait que l’enfant pouvait être amené ́ a` être Transféré ́ dans un autre service ou un autre établissement. 13/20 praticiens planifiaient l’annonce ou tentaient de le faire. Parmi eux 3 précisaient qu’ils essayaient, mais que cela prenait du temps et que l’on ne pouvait pas tout planifier, et 5 autres précisaient qu’ils planifiaient en craignant la réaction e ́ émotionnelle des parents et des enfants : « Les parents sont dans l’attente d’un résultat mais je dois planifier en fonction de ma disponibilité ́ intellectuelle,  émotionnelle et médicale ».Concernant le temps qu’ils prenaient pour annoncer une « mauvaise nouvelle »􏰁  6/20 pédiatres n’avaient pas de réponses précises ; 8/20 pédiatres évoquaient un temps s’e ́ talant entre 45 et ce que c’est je ne dis pas cancer surtout si je ne l’ai pas dit aux parents ; Je dis plutôt tumeur que cancer : une tumeur c’est rond (montre avec ses mains), c’est presque sympathique. » ; « Je ne dis pas le mot ‘‘une bête dans ton corps’’ comme certains parents le disent, ou quelque chose qui peut faire peur, et en plus ce n’est pas exact » ; « Non je ne dis jamais le nom pour les pathologies graves, car elles sont dans l’imaginaire collectif plus péjoratives qu’elles ne le sont en réalité ́. ». Les difficulté ́s et les obstacles rencontre ́s pour annoncer une « mauvaise nouvelle » Quinze sur les 20 pédiatres pensaient que le déficit intellectuel d’un enfant est un obstacle. Ils insistaient en effet pour dire qu’il faut « reformuler » et « adapter » le discours selon le degré ́ de déficience voire parfois ne rien dire :90min ; 6/20 pédiatres faisaient une annonce qui durait entre 20 et 40 min. Dans le cas d’une annonce de « mauvaise nouvelle » a` faire dans l’urgence : 9/20 pédiatres essayaient de pré ́ parer leur annonce en amé ́ nageant des conditions matérielles favorables : « On prend le temps quand même », « un endroit qui est un tout petit peu a` l’écart de la bataille » 􏰁 4/20 constataient l’urgence mais n’arrivaient pas a` dire ce qu’ils faisaient, ils « bricolaient » ; 4/20 tentaient d’apaiser la situation ; 3/20 disaient qu’il n’y a jamais d’urgence a` annoncer. Le langage se révèle être un aspect important dans l’annonce d’une « mauvaise nouvelle », si 5/20 des pédiatres disent qu’il n’y a pas de mots particuliers a` utiliser ou a` éviter, pour les 15/20 autres pédiatres ils choisissent des mots et des formulations particulières (Tableau 2). Quelques exemples de réponses : « Comment annoncer la consultation génétique ? . . . je triche, je parle d’examen General ; si on parle de généticien, les parents tombent de l’étagère. » ; « Pour la surdité, Il faut tourner les phrases de fac ̧on positive et non pas de fac ̧on négative, il faut éviter de dire ‘‘il ne parlera pas’’ mais au contraire ‘‘il est très performant pour telle ou telle chose’’. Concernant les mots ou les expressions utilise ́s, les pédiatres n’étaient pas à l’abri d’interprétations erroné ́ es de la part des enfants ; ainsi un pédiatre en donnait un exemple : « Un enfant qui avait une grosse rate et a` qui tout le monde en parlait, dit un jour en montrant son gros ventre : ‘‘J’ai la femme du rat dans mon ventre’’. Enfin, l’un des répondants a évoqué ́ son manque de formation « Je ne suis peut-être pas assez forme ́ pour connaître ces mots, c’est certainement très dans l’improvisation ». Quand nous avons demandé ́ aux pédiatres s’ils prononçaient le nom de la pathologie :

15/20 pédiatres disaient prononcer le nom de la maladie au cours de l’annonce de « mauvaise nouvelle » ; 5/20 autres pédiatres qui ne prononçaient pas le nom de la maladie au cours de l’annonce, il y avait 3 urgentistes qui « ne peuvent pas force ́ ment poser le diagnostic », et 2 hématologues : « Oui, je dis le mot exact surtout a` l’enfant (. . .). Après` s s’il demande 3/20 mettaient en cause des difficultés de compréhension d’un ou des parents, qu’elles soient d’ordre intellectuelle, ou culturelle. « On doit avoir deux discours en même temps, ce n’est pas l’ide ́ al. », « Les parents font parfois des réflexions de ́ places : ils peuvent par exemple demander un bilan génétique en disant ‘‘Parce que vous comprenez avoir un enfant comme c ̧a’’ ; ‘‘C’est toujours plus facile d’annoncer aux enfants qu’aux parents’’. Nous avons retenu la description d’un exemple particulier reposant sur un entretien avec un parent : « Un enfant est arrivé ́ avec sa mère pour une constipation sévère. La mère avait un regard vide, et ne comprenait pas ce qu’on lui disait sur la rate importante de son enfant. Au bout de 20 mn d’explications elle me dit : ‘‘Alors, qu’est-ce qu’il y a dans le ventre de mon fils ?’’ Ce fut difficile. Par rapport a une grosse rate par exemple, on va parler de globules, de moelle : 80 % des gens vont comprendre a` demi-mots qu’il s’agit peut-être d’une leucémie, et c’est plus facile a` annoncer car ils l’ont un peu deviné ́. Mais pour les autres, ceux qui ne comprennent pas, comme cette mère, c’est difficile. » ; 17/20 pédiatres disaient avoir eu d’autres difficulté ́ s d’ordre plus personnelles tel dans cet exemple : « Une fois, trois nouveaux patients sont arrivés ́ s dans la meˆ me journée ́ e, et j’ai duˆ faire l’annonce d’une Mauvaise Nouvelle aux trois. Pour le dernier, je suis sorti avec le sentiment de ne pas avoir e ́te ́ ‘‘présent’’, pas assez implique ́ . . . car en général je ‘‘mouille’’ ma chemise . . . et c’est avec lui qu’il y a eu ensuite des complications que je n’avais pas prévues avec le sentiment d’être ‘‘passe ́ a` cote ́’’ : Cela m’a servi de leçon ». Un autre exemple : « Pour un gamin de 13 ans chez lequel il y avait une suspicion de tumeur cérébrale, je lui ai dit qu’il y avait un truc dans sa tête, mais il n’arrêtait pas de me dire ‘‘je vais mourir’’. C’était horrible. Je me suis retrouve ́ bête. ». Ici, ces pédiatres mettaient en exergue leurs propres difficulté ́ s a` annoncer. Ils énonçaient le sentiment de culpabilité ́ qu’ils e ́ prouvaient, ou aussi le manque de disponibilité ́ personnelle et de réceptivité ́ « Si je n’y suis pas arrivé, c’est que je ne l’ai pas bien fait », ou encore le sentiment d’être trop implique ́ dans un mouvement d’identification aux parents « Parce qu’il avait l’âge de mon fils », ou bien la peur de faire face a` « l’effondrement » des parents, ou tout simplement l’incapacité ́ a` annoncer. Lorsque les signes cliniques étaient peu visibles, certains s’autorisaient même a` reporter l’annonce « Des pathologies « très froides » qui ne donnent pas beaucoup de signes et qui évoluent a` long terme ». Un pédiatre dans cette situation d’annonce diffère ́e a témoigne ́ « J’ai fini par le dire a` un moment que je n’avais pas prévu, en disant que ‘‘je ne sais pas mentir. . .’’ ».Langage utilise ́ ou e ́vite ́ lors de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle ».Le langage le plus souvent utilise ́Le mot « traitement » « Ca peut être grave » « Espoir »Dire « cancer » plutôt que leucémie « Il faut que je vous dise quelque chose » « Choisir des mots simples »« Prendre une voix douce »Dire « examen général » pour ne pas dire un « examen spécifique »qui fait peur« Récidive »au lieu de « rechute »« Un cap à passer »« J’ai une mauvaise nouvelle » « Tourner les phrases de façon positive » « Trouble auditif » Le langage le plus souvent evite ́Le mot «mort» « Pronostic », « échéance ». .Pas « leucémie » ni le nom delà maladie (éviter les termes techniques)Pas le mot « petit » qui minimise Pas le mot « très » qui amplifie « Je sais » (en position de savoir) « Consultation génétique » «Pas rechute car il ya chute» «Il n’y a rien à faire» ou « définitif » « Douleur » « Surdité ́ »« Aveugle » ; « Cécité ́ » «Handicap » Quand nous leur avons demandé ́ s’il leur e ́tait arrive ́ de ne pas parler a` l’enfant ou l’adolescent de sa pathologie, 9/20 pédiatres ont re ́ pondu par l’affirmative. Quand on leur a demandé ́ pourquoi Please cite this article in press as : Crosnier-Schoedel C, et al. Le vécu par le pédiatre de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » a` l’enfant et a` l’adolescent. leurs réponses ont été ́ multiples : le jeune âge des enfants « pas avant 7 ou 8 ans », le risque de mourir en cas de rechute, la fragilité ́ de l’adolescent, la proposition d’un nouveau bilan plutôt que d’annoncer un syndrome gène ́ tique avec déficit, ou encore des raisons inhérentes ́rentes a` la famille qui demande le « secret ».Dans les exemples de situations cliniques particulièrement difficiles d’annonce de « mauvaise nouvelle » choisis par les pédiatres, ils nous racontaient celles ou` souvent il était question de la problématique du partage du secret de la « mauvaise nouvelle » dans la famille comme le secret de la maladie d’un enfant cache ́ a` un des parents, ou le fait de devoir annoncer un pronostic létal en disant qu’il faut arrêter un traitement car il ne sert a` rien. Par ailleurs, les pédiatres étaient embarrés ́ s par la question de l’autorisation parentale a` obtenir pour annoncer aux enfants, car ils ne voulaient ni sortir du cadre le ́ gal, ni s’opposer aux parents. Pour 10/20 pédiatres, cette autorisation n’e ́ tait pas nécessaire, « Je ne leur demande même pas leur avis. C’est intéressant cette question je ne me la suis jamais pose ́ e » ; « C’est tellement e ́ vident qu’il faut expliquer a` l’enfant. Mais si un parent ne donne pas son autorisation. . . je ne sais
pédiatres estimaient qu’elle e ́ tait nécessaire voire indispensable « Oui les enfants sont mineurs et sous la responsabilité ́ des parents ». Quatre sur vingt pédiatres disaient ne pas savoir, car ils ne s’étaient jamais pose ́ la question. Comment le médecin perçoit et analyse l’annonce de « mauvaise nouvelle » qu’il a faite ? Lorsque nous avons demandé ́ aux pédiatres s’ils avaient l’impression que l’enfant ou l’adolescent comprenait toujours leur annonce : 4/20 pédiatres ont répondu oui ;16/20 ont répondu non ont suscité ́ beaucoup de commentaires. Les pédiatres se sont montre ́ s très implique ́ s avec des réponses riches et assez passionnelles pour certaines. Les superlatifs ont e ́te ́ nombreux et forts. Parmi les mots employé ́s, nous avons retrouvé ́ douze fois des adjectifs exprimant l’e ́ puisement physique et psychique « C’est dur, je suis mal, fatigue ́, pas fatigue ́ mais pas bien ... » ; « Vide ́ (...) c’est fatiguant, et le plus pénible c’est que je sais avant l’entretien que je vais faire basculer leur vie (. . .) que je suis maitre de leur destin » ; « L’ide ́ e c’est d’atte ́ nuer le choc, y a des familles tu sais que t’as pas amorti, tu souffres avec eux (. . .) des fois, je le vis en meˆ me temps qu’eux ». Deux réponses utilisaient le mot « attriste ́ », deux autres « de ́ stabilise ́ » et un, le mot « désespère ́ », « Si vraiment c’est une très « mauvaise nouvelle », je suis désespère ́ ». Une autre réponse décrivait le comportement contre-phobique mis en place par le pédiatre pour se protéger : « Je suis plus synthétique qu’avant, et j’ai ma méthode d’entretien : j’installe les chaises de la meˆ me manière, et je prends toujours la meˆ me position qui me va bien ». Les autres réponses a` ces questions ouvertes ont fait écho à la souffrance d’annoncer une ‘‘mauvaise nouvelle’’ : « On n’est pas préparé ́ a` tout cela en tant que médecin », « Vous faites une e ́ évaluation sur la pratique, mais vous ne me posez pas la question si je vais bien dormir : la qualité ́ de vie du médecin n’est pas prise en compte. . . vous préoccupez-vous du médecin qui est malmené ́ ? ». L’expérience ne semble pas une arme pour se protéger au contraire : « Avec le temps, je suis de plus en plus de ́ s’empare ́ » . . .. « Un jour j’ai duˆ annoncer deux mauvaises nouvelles a` la suite : pour l’une il s’agissait d’un grave problème irréversible chez une fillette adorable qui s’est mise a` pleurer avec ses parents d’une grande gentillesse. J’ai eu beaucoup de peine. Alors que pour la seconde, cela a e ́ te ́ beaucoup plus facile d’annoncer une autre ‘‘mauvaise nouvelle’’, parce que, d’une part, cela e ́tait beaucoup moins grave que pour l’enfant précédent, et que, d’autre part, l’enfant n’e ́tait vraiment pas sympathique. C’est idiot, mais j’avoue que j’aurai préfère ́ inverser les 2 annonces ». Enfin, 2 pédiatres en appellent a` la nécessite ́ du soutien de psychologues pour la famille et le médecin et 4 autres a` la nécessite ́ de formations : « Ce qui m’effare sur le plan médical, c’est qu’on n’est pas forme ́ a` l’annonce d’une ‘‘mauvaise nouvelle’’ et les connaissances que nous avons acquises sur le tas, arrivent trop tard et sont un véritable gâchis ». Notons d’emblée que, même si les auteures travaillaient dans la même institution que les pédiatres interrogent ́s, cela n’a eu aucune incidence sur les réponses comme l’atteste l’analyse qualitative de celles-ci. Par ailleurs, notons aussi que ce groupe de 20 pédiatres (Tableau 1) e ́ tait très représentatif du ratio homme–femme travaillant dans l’e ́ établissement hospitalier concerne ́ par l’étude. L’annonce d’une « mauvaise nouvelle » est une partie inhérente au travail du médecin. Si la présence indispensable des parents et de l’enfant, donne sens à cette annonce [7], c’est avant tout un acte médical a` part entière qui doit être fait par le pédiatre et par lui seul, car c’est lui qui s’occupe du suivi médical de l’enfant. Pourtant, en dépit de l’âge des me ́ déclins interroge ́ s et de leur temps respectif d’exercice de la médecine indiquant qu’ils possédaient déjà` une certaine expérience professionnelle quand nous les avons rencontrés (Tableau 1), dès les premières réponses, nous avons pu constater combien cela leur e ́ tait difficile. A partir de la première question, des pédiatres se sont positionne ́ s très vite dans leurs réponses par rapport a` leur propre ressenti « une e ́ preuve » ou « une galère ». Si certains des répondants ont de fini la « mauvaise nouvelle » comme un « pronostic vital engage ́ », le mot « mort » n’a e ́te ́ employé ́ qu’une seule fois. Cette mise a` distance dans les propos, témoigne de la d’entre eux ont introduit la notion de temporalité ́ nécessaire a` la compréhension : « J’en reparle plus tard et je l’interroge sur ce qu’il a compris »,
10/20 autres ont introduit la notion de reformulation dans l’après coup comme condition a` la bonne compréhension : « J’essaie de redire avec des mots différents » ; « parfois je demande l’aide du psy pour reprendre les choses avec l’enfant ». Pas. . . j’appelle la psy ». Six sur vingt
A la demande du pourquoi l’enfant ou l’adolescent ne comprenait pas toujours dès la première information :pédiatres se sont spontane ́ ment remis en cause par rapport a` leur propre comportement a` gérer l’annonce : « On est dans le de ́ ni médecins compris » ; « Peut-être que je m’y prends mal ». Toutes les autres réponses mettaient plutôt en cause les enfants et les adolescents, ou leurs parents ; 6/20 avançaient le fait que l’enfant ne voulait pas ou ne pouvait pas entendre au plan psychique : « Les informations ne rentrent tout simplement pas a` l’inte ́rieur du cerveau, c ̧a n’a rien a` voir avec une incapacite ́ de compre ́ hension, c’est juste une de ́ fense » ; disaient que c’e ́tait a` cause du trop d’informations, la mauvaise information, ou l’emploi de termes inadapte ́s ; pointaient l’aˆge et les capacite ́s cognitives insuffisantes sugge ́raient que les « re ́sistances » venaient de la part des parents 1/20 disait qu’il fallait laisser du temps pour que l’enfant et l’adolescent comprennent A la fin des entretiens, nous leur avons demande ́ comment ils se sentaient apre` s une annonce de « mauvaise nouvelle », et ce qu’ils aimeraient ajouter eux-meˆmes spontane ́ment. Ces deux questions mobilisation importante des affects que nos questions ont suscite ́ s. En rapprochant les termes employe ́ s par les pe ́ diatres lors de leurs de ́ finitions de l’annonce de la « mauvaise nouvelle », et la fre ́ quence importante d’annonces qu’ils font, nous comprenons de ́ ja` pourquoi l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » est une souffrance pour eux. Si la majorite ́ voit la ne ́cessite ́ d’annoncer une « mauvaise nouvelle » a` un enfant ou un adolescent, les pe ́diatres semblent sommes souvent dans l’e ́ vitement de l’angoisse, le controˆ le de la situation et aussi dans « le politiquement correct ».  Annoncer une « mauvaise nouvelle » a` un enfant souffrant d’une de ́ ficience intellectuelle est tre` s majoritairement ressenti comme la premie` re des difficulte ́ s pour les pe ́ diatres contre toute attente, et bien avant celles qui pourraient concerner la prise en compte des diffe ́ rents stades de de ́ veloppement de l’enfant tant sur le plan cognitif que du langage. Un des pe ́diatres a ainsi exprime ́ le fait qu’il avait annonce ́ la « mauvaise nouvelle » a` un enfant de ́ficient pour s’apaiser lui-meˆ me : « Annoncer dans ce cas a un inte ́ reˆ t avant tout pour le me ́ decin, car c’est eˆ tre alors en accord avec soi-meˆ me, et c’est important ». D’autre part, meˆme si la plupart des pe ́diatres de cette e ́tude, imputent la responsabilite ́ de la non compre ́ hension de leur annonce, aux enfants ou aux adolescents eux-meˆmes (et cela malgre ́ leur manque de repe`res pour l’affirmer), ou bien encore a` leurs parents, d’autres soule` vent le fait qu’il n’ont peut-eˆ tre pas su bien s’y prendre ou n’ont pas su trouver les mots, le ton juste et l’attitude pour expliquer. Les me ́decins les « plus jeunes » semblent plus pre ́occupe ́s par le diagnostic me ́dical, les connaissances et la recherche « Il faut maˆıtriser une partie de la spe ́ cialite ́ pour pouvoir re ́ pondre aux questions » ou encore quand ils pre ́conisent l’annonce a` plusieurs « C’est pour le be ́ ne ́ fice pe ́ dagogique. C’est comme c ̧a que j’ai appris ». Le patient existe certes, mais il est comme mis a` distance. Au regard de l’ensemble des re ́ponses du questionnaire, notre constatation rejoint celle de A. Aubert-Godard et al., qui dans leur e ́ tude e ́ crivaient : « (Les me ́ decins) e ́ prouvent une satisfaction du devoir accompli malgre ́ les sentiments de solitude, d’e ́ chec et de culpabilite ́ , qu’ils tentent de compenser par la puissance d’un savoir a` transmettre (. . .) redoutant une contagion e ́ motionnelle, ils privile ́ - gient l’informatif au de ́ pend d’une communication empathique » [5]. Quantauxpe ́diatreslesplusaˆge ́s,plusa` l’aiseaveclediagnostic et n’ayant plus besoin de prouver leurs compe ́ tences me ́ dicales avec l’assise de leur expe ́rience professionnelle et de vie, ils semblent plus touche ́ s e ́ motionnellement, plus sensibles a` l’impact affectif de la maladie. Ils laissent plus de place a` l’empathie envers le patient, ce qui les rend plus e ́motifs et alors plus sensibles a` la perte et au deuil. « Quand j’avais 30 ans ces choses-la` , annoncer une mauvaise nouvelle, ce n’e ́ tait pas un proble` me, mais aujourd’hui. . . je suis plus sensible ». L’annonce d’une « mauvaise nouvelle » peut aussi re ́sonner comme une emprise angoissante sur eux « Il faut un temps d’adaptation » ou « Le soir et la nuit, c ̧a te travaille quand meˆme ». Le sentimentdesolitudeetlesentimentdedoutesurlacapacite ́ d’avoir bien fait son travail traduisent la blessure narcissique par la mise a` mal de « l’ide ́al du me ́decin » qui est de « gue ́rir ». Notons aussi le peu de communications entre les pe ́ diatres eux- meˆmes sur leurs difficulte ́s rencontre ́es et sur leurs souffrances personnelles, en opposition aux nombreux e ́ changes me ́ dicaux ou techniques qu’ils te ́moignent avoir avec leurs pairs. Comme si alors, montrer une faiblesse personnelle dans le processus d’annonce, c’etait remettre en question leurs propres competences me ́ dicales. A cet e ́ gard, beaucoup d’entre eux nous ont fait ressentir leur solitude et leur de ́ sarroi, comme l’ont atteste ́ les dernie` res re ́ ponses sur leurs ve ́ cus personnels. D’ou` l’e ́ vocation pour certains de la ne ́cessite ́ de formation ou d’accompagnement. Si l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » est un acte me ́dical, socle de toute prise en charge the ́ rapeutique, pour les pe ́ diatres concerne ́ s par cette e ́ tude, elle est aussi une source d’envahisse- ment e ́motionnel qui peut avoir un impact important sur son de ́roulement, malgre ́ l’aˆge et l’expe ́rience confirme ́s des pe ́diatres toutefois mal a` l’aise dans cet acte me ́ dical.
re ́ pondants mettent en place des me ́ canismes
psychiques inconscients [9]. Tels par exemple la de ́ ne ́ gation : « Je n’en vois pas (silence) un risque de suicide ou bien un comportement violent » (. . .) « Il y a ‘‘mauvaise nouvelle’’ et ‘‘mauvaise nouvelle’’. . . restitue ́ dans le contexte ORL, c’est pas force ́ment une ‘‘mauvaise nouvelle’’, c’est pas comme un cancer. . . » ; l’annulation re ́ troactive : « Je ne pense pas (silence) mais je pense qu’il y a des cas ou` l’annonce est complique ́ e » ou « Un de ́ faut de communication peut nous empeˆ cher d’annoncer (silence) mais on peut tous dire quelque chose », ou « Aucune raison (silence) apre`s (silence) jusqu’ou` annonce-t-on ? ». Le moment de l’annonce est e ́ galement re ́ ve ́ lateur des difficulte ́ s du pe ́ diatre. La majorite ́ pre ́ voit d’annoncer la « mauvaise nouvelle » en pre ́ sence des 2 parents qui doivent eˆ tre alors disponibles comme condition pour « prendre la de ́cision » de l’annonce. Si les pe ́diatres sont conscients que cette annonce doit eˆtre faite en deux temps, d’abord aux parents puis a` l’enfant en pre ́ sence de ses parents, la re ́ alite ́ est parfois toute autre : « J’annonce toujours aux parents puis a` l’enfant avec leur accord suivant l’aˆge : mais pas force ́ment a` l’enfant (silence). Par exemple, un enfant de 6 ans, on ne va pas lui expliquer, on lui dit juste qu’il faut qu’il prenne des medicaments ». Cette interrogation des pédiatres sur l’information module ́ e et adapte ́ e en fonction de l’âge de l’enfant est rare : seul un pediatre y fait allusion en specifiant donner l’information a` l’enfant vers 7– 8 ans et en notant une difficulté à le faire a` l’adolescence ; pour les autres, ils considérent qu’il n’y a pas de bon âge pour annoncer une « mauvaise nouvelle » quel que soit son contenu. La planification et le temps necessaire pour annoncer une « mauvaise nouvelle » de ́ pend de la specificite ́ du service hospitalier. De ce fait, nous avons releve ́ que les urgentistes peuvent rarement planifier l’annonce et ce sont eux, qui majoritairement annoncent sur un temps réduit une « mauvaise nouvelle » souvent hypothetique et vague. Mais, quelle que soit leur specialite ́ , lorsque les pédiatres se trouvent confronte ́s a` l’urgence d’une annonce, ils sont embarrasse ́ s, certains allant mème préférer la diffe ́ rer, mettant en avant la notion du temps ne ́cessaire pour annoncer. Ils montrent leurs incertitudes dans des conduites d’e ́vitements : « Il n’y a pas d’inte ́ reˆ t pour que l’annonce soit faite quand l’enfant est trop jeune, il ne pose pas de questions », « Il ne veut pas savoir », « Ses parents s’y opposent », et enfin en re ́ fe ́ rence a` la clinique du VIH/sida, « C’est le secret des parents » [10]. Le jeune aˆ ge des enfants, le risque le ́ tal, ou encore la fragilite ́ de l’adolescent ou de sa famille, sont e ́ galement mis en avant [11]. De plus, les pe ́ diatres redoutent surtout l’e ́ventuel « effondrement » des parents et d’avoir a` se confronter aux re ́actions e ́motionnelles de ceux-ci. Le langage et les mots a` employer occupent aussi une place cruciale dans les difficulte ́ s rencontre ́ es dans le processus de l’annonce par les pe ́ diatres. Les mots ne seront pas choisis selon des crite`res d’aˆge de l’enfant ou en fonction de la compre ́hension des informations a` lui transmettre mais toujours de fac ̧on subtile, pour contourner et rendre audible et tole ́rable l’annonce, que ce soit celle d’un pronostic, d’un risque le ́tal ou soit d’un handicap irre ́ versible. Les mots sont alors choisis de fac ̧on re ́ currente et automatique par les diffe ́ rents pe ́ diatres en fonction de leur propre ve ́ cu et de leur spe ́ cialite ́ . Les pe ́ diatres favorisent toujours les meˆ mes mots qui leur semblent approprie ́ s et qu’ils se sont approprie ́ s eux-me mes, pour mieux gerer la situation. Nous Beaucoup de de de fenses Please cite this article in press as: Crosnier-Schoedel C, et al. Le vecu par le pediatre de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » a` l’enfant et a` l’adolescent. Archives de Pédiatre [12]. Selon eux, annoncer une « mauvaise nouvelle » c’est non seulement transmettre une information sur quelque chose d’irre ́versible a` des enfants ou des adolescents, mais aussi a` leurs parents. Cette particularite ́ de double annonce en pe ́ diatrie cre ́e une difficulte ́ supple ́mentaire pour ces me ́decins, sans cesse confronte ́s aux limites de leurs propres capacite ́s psychiques et professionnelles a` y faire face. Malgre ́ diffe ́rentes strate ́gies mises en place pour de ́ fier l’instabilite ́ e ́ motionnelle que provoque l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » chez la plupart d’entre eux, beaucoup se sentent tout de meˆme de ́munis et fragilise ́s, jusqu’a` exprimer un profond sentiment de solitude et de culpabilite ́ . A cet e ́gard, plusieurs expriment un besoin d’aide et un besoin de formation sur « Comment bien annoncer une ‘‘mauvaise nouvelle’’ ? ». Car autant le partage des informations me ́dicales entre pe ́ diatres est ge ́ ne ́ ralement aise ́ , autant le partage des difficulte ́s a` annoncer reste impossible, ve ́cu par certains comme une incompe ́tence, presque de l’ordre de l’intime. « Le cas d’un jeune malade, atteint d’un cancer du pancre ́ as, que j’appelle mon « patient ze ́ ro », m’a cause ́ un choc. Non seulement je n’avais rien pu faire pour lui, mais je l’avais blesse ́ en ne lui disant pas la ve ́rite ́. Son regard de mourant m’accusait. A l’e ́ poque, les psychologues n’existaient pas dans les hoˆpitaux. Nous, jeunes me ́decins, n’e ́tions pas pre ́pare ́s a` faire face a` cette douleur morale. Apre`s cet e ́chec, soit j’arreˆtais la me ́decine, soit je me battais ».

 

C. Crosnier-Schoedel a, *, N. Trocme ́ b, R. Carbajal a, G. Leverger b
a Service des urgences pédiatriques, hôpital Armand-Trousseau, 26, avenue du Dr Arnold-Netter, 75012 Paris, France

Les études portant sur le vécu du pédiatre de l’annonce d’une mauvaise nouvelle à l’enfant et à l’adolescent sont quasi inexistantes. Cette annonce qui est pourtant le socle de toute prise en charge médicale est d’autant plus complexe qu’elle est plurielle, devant nécessairement passer par l’annonce faite aux parents. Nous avons proposé à 20 pédiatres hospitaliers un questionnaire de 30 questions sur le vécu de leur propre annonce d’une « Mauvaise Nouvelle » a un enfant ou un adolescent. Les obstacles auxquels ils se confrontent, malgré leur âge et le temps respectif de leur exercice de la médecine, sont multiples et sont dus à différents facteurs provenant autant des enfants, des adolescents, et de leurs familles que d’eux-mêmes. Les difficultés répertoriées par les pédiatres concernaient surtout, la notion temporelle de l’annonce, la place et le choix des mots utilises pour la faire, et la mauvaise compréhension des enfants et de leurs familles qu’elle soit d’origine intellectuelle, culturelle ou psychique. Ensuite, ils questionnent leurs propres capacités à le faire, parfois dans l’incertitude que les choses aient été ́ réellement comprises. Ils expriment le fait qu’eux-mêmes sont éprouvés psychiquement. Ils développent et mettent en place des stratégies pour de ́fier l’instabilité émotionnelle que provoque l’annonce de cette « Mauvaise Nouvelle » chez la plupart d’entre eux. Pourtant, beaucoup se sentent de ́munis et fragilise ́s, jusqu’a` parler d’un profond sentiment de solitude et de culpabilité

 Introduction

« Il n’y a aucune raison pour ne pas annoncer, après. . . qu’est-ce qu’on annonce et jusqu’où annonce-t-on ? » « Celui qui annonce est un oiseau de mauvaise augure ». « Je trouve c ̧a difficile émotionnellement. Surtout quand ils ont l’âge de mon fils » Paroles de pédiatres « L’annonce d’une ‘‘mauvaise nouvelle’’, est le point de de ́ part et le socle de toute thérapie et de toute prise en charge au plan médical, d’où` son importance. La Haute Autorité de sante  (HAS) la de ́finit comme une ‘‘Nouvelle qui change radicalement et négativement l’idee que se fait le patient de son (...) être et de son (. . .) avenir’’ [1] citant, par ailleurs, la phrase de I. Moley-Massol extraite de son ouvrage [2] sur l’annonce de la maladie : ‘‘Il n’existe pas de ‘bonnes’ façons d’annoncer une mauvaise nouvelle mais certaines sont moins dévastatrices que d’autres’’ ».Les études relativement nombreuses [3–5] concernant ce sujet, portent essentiellement sur le vécu de patients et de leurs familles et parfois des médecins. Elles nous ont souvent appris combien cela était difficile pour les uns comme pour les autres. Quant aux études portant sur le vécu particulier du pédiatre de l’annonce d’une mauvaise nouvelle a` l’enfant et a` l’adolescent, elles sont quasi inexistantes [5]. Pourtant, la situation dans ce cas est d’autant plus complexe que l’annonce est plurielle. L’annonce a` un enfant ou un adolescent en effet, doit nécessairement passer aussi par l’annonce faite aux parents [6,7]. Comment les pédiatres annoncent–ils alors à l’enfant ou à l’adolescent et à leur famille ? Quelles sont les principales difficultés qu’ils rencontrent et pourquoi ? Quel impact cela peut-il avoir sur l’annonce elle-même, et sur eux-mêmes [8].

 

2. Méthodes

Les auteurs, 2 psychologues de l’établissement hospitalier, se sont interrogées sur les différentes e ́ tapes de cette annonce tant au plan des pratiques, que du vécu émotionnel des médecins alors en jeu. Elles ont proposé a des pédiatres qui n’avaient pas de relations professionnelles avec elles, au sein de différents services de l’hôpital Armand-Trousseau (AP–HP - Paris), un questionnaire au cours d’un entretien individuel. Aucun refus n’a été ́ enregistre ́. Ce questionnaire était constitué de 30 questions dont 17 ouvertes, 9 semi-ouvertes et 9 fermés (Annexe 1). À la vue des 20 premiers entretiens collecte s, de l’importance des réponses recueillies et de leur redondance, les auteurs ont pris le parti de ne pas inclure davantage de pédiatres car cela ne leur semblait plus nécessaire. Elles ont ensuite procédé à une analyse quantitative et qualitative de ces réponses. Dans l’analyse qualitative, elles ont sélectionné ́ les réponses les plus représentatives et significatives de l’ensemble des pédiatres, bien qu’elles aient aussi décidé ́ parfois a` titre d’illustration, de porter a` la connaissance du lecteur certains témoignages singuliers. Tous les pédiatres concernent par cette étude, avaient donné ́ leur consentement pour une utilisation anonyme des données dans le cadre d’une recherche.

3. Résultats

Le questionnaire a été proposa 20 pédiatres (Tableau 1). Tableau 1 : Profil des pédiatres interroge ́s.20 médecins pédiatres Age médian Temps médian d’exercice de la médecin Spécialités 6 hommes 44 ans (65–35) 12 ans (34–7) Hématologie-oncologie Néphrologie ORL Urgences-pédiatriques

14 femmes 44 ans (56–28) 16 ans (32–1). Dermatologie Endocrinologie-gynécologie Hématologie-oncologie Ophtalmologie ORL Pédiatrie générale Urgences pédiatrique ORL : oto-rhino-laryngologie. 3.1. Définition et fréquence de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » La question de la de ́finition d’une « mauvaise nouvelle » a` annoncer a été la première pose aux 20 pédiatres : pour 6/20 d’entre eux, l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » était définie comme celle dont le pronostic vital e ́tait engage ́, mais une seule fois cependant le mot « mort » a été prononce ́de plus, 12/20 pédiatres pointaient que le cours de la vie de l’enfant allait, de` s lors, être modifie évoquaient une entre ́ e dans la « chronicité ́ » de la maladie, et mettaient en avant l’annonce de « se ́ quelles » importantes pouvant être physiques, psychiques ou sociale Enfin  2/20 pédiatres évoquaient le fait qu’annoncer une « mauvaise nouvelle » e ́tait pour le médecin « une e ́preuve » ou « une galère ».La fréquence de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » ainsi de ́finie pour les 20 pédiatres, e ́tait : une fois par an pour 2/20 pédiatres ;
􏰁 quelques fois par an pour 10/20 pédiatres
􏰁 au moins une fois par mois pour 8/20 pédiatres. Quel intérêt y va-t-il a` annoncer une « mauvaise nouvelle » à un enfant ou a` un adolescent ? Les 20 pédiatres ont affirmé ́ qu’il était important d’annoncer une « mauvaise nouvelle » a` un enfant ou un adolescent : 8/20 précisaient qu’il était nécessaire de le faire car non seulement l’enfant e ́ tait concerne ́ mais aussi parce que c’était le cadre légal 4/20 pédiatre sont expliqué ́que cela était nécessaire pour qu’il y ait adhésions aux soins ;3/20 pédiatres jugeaient cela important pour « ne pas traumatiser l’enfant ultérieurement » ; 5/20 ne savaient pas quoi répondre a` cette question. Les réponses à la question des critères selon lesquels les pédiatres devaient prendre la décision d’annoncer une « mauvaise nouvelle », concernaient pour plus de la moitie ́, directement le médecin. La nécessite ́ e ́tait qu’ils devaient, avant toute décision d’annoncer, bien connaître la pathologie, maitriser la spécialité ́, avoir la certitude du diagnostic ou/et du pronostic, et enfin qu’ils avaient l’obligation de vérité. Des critères plus intimes étaient aussi exprimés ́s comme la difficulté ́ pour eux de « mentir » ou « de cacher quelque chose a` l’enfant » a` qui il fallait dire quelque chose. Pour les autres, les critères de la décision pour annoncer une « mauvaise nouvelle », portaient sur les questions que posait l’enfant ou l’e ́évolution possible de la pathologie. Pourtant quand nous leur avons demandé ́ d’énumérer les raisons pour lesquelles un médecin ne pourrait pas annoncer une « mauvaise nouvelle », un seul pédiatre « ne voyait » vraiment aucune raison pour ne pas le faire, ajoutant ensuite et par ailleurs, n’avoir aucun critère particulier non plus pour annoncer « J’annonce à` tous et quel que soit l’Age ». La moitie ́ des pédiatres 10/ 20 évoquait des problèmes de communication (déficit cognitif, trop faible physiquement, coma). Les 5/20 d’entre eux mentionnaient la fragilité ́ des parents ou leur de ́ accord pour annoncer ou les fragilité ́ s psychiques de l’enfant avec un « risque de suicide » ou de « comportements violents ». Quant aux autres, ils exprimaient leur propre difficulté à le faire face a` l’incertitude du diagnostic ou l’entre ́e en soins palliatifs. 

3.3. Quand annoncer et faut-il revenir sur l’annonce une fois qu’elle est faite ?

Pour 5/20 des pédiatres mentionnaient qu’il « n’y a pas de bons moments » pour annoncer une « mauvaise nouvelle » pour la première fois a` un enfant ou a` un adolescent. Pour 15/20 des pédiatres, le moment « ide ́ al » pour annoncer une « mauvaise nouvelle » est celui qui réunit l’ensemble de certaines conditions d’annonce comme « un lieu adapte ́ », « tenir compte de l’aménagement sonore, ou géographiques du lieu », « prendre du temps », ou encore avoir la présence d’un « tiers ou de parents » :10/20 des pédiatres, n’avaient pas pu annoncer au moment où` ils l’avaient choisi ; 5/20 d’entre eux répondaient qu’ils en étaient eux-meˆ mes la cause « Il m’est arrivé ́ d’attendre jusqu’au moment où` ma position de retrait n’e ́ tait plus tenable. . . j’ai fini par le dire a` un moment que je n’avais pas prévu », ou encore « non, car j’avais pas envie de le dire ». La majorité ́ des médecins favorisaient ou attendaient la présence des 2 parents pour annoncer la « mauvaise nouvelle » « pour qu’ils entendent la même chose et qu’ils puissent en rediscuter a` la maison ou avoir le même regard sur les soins » : 12/20 pédiatres annonçaient a` l’ensemble de la famille ; 4/20 commençaient par les parents et ensuite les enfants ; 3/20 disaient l’annoncer aux parents puis a` l’enfant selon la pathologie, selon aussi le souhait des parents ou bien selon l’âge de l’enfant; 1/20 pédiatre faisait l’annonce a` qui e ́ tait présent sur le moment. Concernant la question de savoir s’il y a un « bon » âge pour annoncer la première fois et quel que soit le type d’annonce : 3/20 pédiatres ne savaient pas ; 1/20 pédiatre répondait positivement « Oui, vers 7–8 ans avec une difficulté ́ particulière a` l’adolescence » ; 16/20 pédiatres, donnaient des réponses négatives telles que « Il n'a pas de bon âge pour annoncer une « mauvaise nouvelle ». Pour quatre d’entre eux, c’e ́ tait au pédiatre lui-mêmeˆ me de s’adapter aux compétences de l’enfant qu’il prenait en charge ; 3 réponses spécifiaient que la période de l’adolescence pouvait cependant les mettre en difficulté ́ « je suis mal à` l’aise avec les ados » ; « quand ils sont grands, il y a des questions. . . ».Huit sur vingt pédiatres pensaient qu’il n’y a pas d’âge minimum pour annoncer mais pour les autres, s’est-il dire pour 11/20, ils n’annonçaient pas avant 5 ans, et enfin un pédiatre n’annonce ̧ait pas avant 7 ou 8 ans. Le souci pour la majorité ́ des pédiatres étai qu’ils ne savaient pas toujours ce que l’enfant ou l’adolescent avait compris de leur annonce quelle qu’elle soit, et quel que soit leur âge. Par ailleurs, 8/20 pédiatres, ont répondu qu’ils ne revenaient jamais sur l’annonce « Non (silence) par lâcheté ́ parce que c ̧a m’est trop lourd et pénible (silence) c ̧a me fait trop mal ». 12/20 pédiatres revenaient sur la première annonce faite. Ils le faisaient soit spontané ́ ment et régulièrement au cours des consultations, soit progressivement en fonction de l’âge et/ou du développement de l’enfant « Je l’interroge sur ce qu’il sait et je reprends », soit seulement au cours d’une aggravation ou de l’évolution de la maladie et enfin, ils le faisaient au moment où` les enfants ou les adolescents avaient des questions particulières a` poser. « Parfois les enfants reposent les questions a` d’autres interlocuteurs comme le psychologue, qui me les renvoie alors ». Quand un enfant a déjà` e ́ te ́ suivi antérieurement dans un autre service, 11/20 pédiatres répondaient qu’ils revenaient sur l’annonce du diagnostic, 9/ 20 ne le faisaient pas : « Pas force ́ ment si ce n’est pas pour c ̧a que je le vois. Souvent, on traite une autre pathologie comme un cancer et on demande un examen comme un audiogramme par exemple par rapport à` la chimio, et la`, nous devons encore annoncer les résultats. C ̧a m’e ́ nerve. . . l’enfant est fatigue ́ et on en remet une couche avec encore une annonce de ‘‘mauvaise nouvelle’’ alors que c ̧a pouvait attendre ». 3.4. Comment annoncer une « mauvaise nouvelle » ? A la question de savoir si le pédiatre faisait l’annonce seul ou avec quelqu’un et pourquoi :1/20 pédiatre ne faisait pas d’annonce lui-mêmeˆ me. « Je le ferai, quand je serais chef de service ». Il disait adresser alors dans ce cas le patient a` quelqu’un de comptent pour cela ;
12/20 pédiatres faisaient l’annonce seuls ; 7/20 pédiatres voulaient être accompagne ́ s par un tiers, soit ils évoquaient spontanément « la possibilité ́ de reformulation », leur besoin de ré assurance « Je suis moins angoisse ́ et moins seul devant ce truc horrible ». « Une présence physique nécessaire. . . n’importe laquelle, pour élargir le triangle entre les parents et le pédiatre », et enfin l’un d’eux a dit « pour rassurer » l’enfant, et « le préparer a` l’annonce ». Les « accompagnateurs » de l’annonce, étaient soit les externes-internes « Pour qu’ils apprennent et qu’ils ne soient pas désemparé ́ s quand ils seront chefs », soit les psychologues « pour mettre des mots, reformuler et analyser... », soit les infirmières « pour qu’elles puissent être un relais ensuite », soit « un autre médecin », soit « une association ». Un pédiatre a précisé ́ « qu’il ne faut pas être plus de 3 » pour faire l’annonce car « s’il y a trop de monde c ̧a peut-être inquiétant et faire comprendre que c’est grave » ; 7/20 médecins ne planifiaient pas le moment de l’annonce : 4 urgentistes, 2 ophtalmologues et 1 oto-rhino-laryngologiste disaient ainsi « ne pas pouvoir annoncer car certains résultats ne sont pas définitifs ». Une autre particularité ́ note ́ e dans ces services et surtout aux urgences e ́tait que l’enfant pouvait être amené ́ a` être Transféré ́ dans un autre service ou un autre établissement. 13/20 praticiens planifiaient l’annonce ou tentaient de le faire. Parmi eux 3 précisaient qu’ils essayaient, mais que cela prenait du temps et que l’on ne pouvait pas tout planifier, et 5 autres précisaient qu’ils planifiaient en craignant la réaction e ́ émotionnelle des parents et des enfants : « Les parents sont dans l’attente d’un résultat mais je dois planifier en fonction de ma disponibilité ́ intellectuelle,  émotionnelle et médicale ».Concernant le temps qu’ils prenaient pour annoncer une « mauvaise nouvelle »􏰁  6/20 pédiatres n’avaient pas de réponses précises ; 8/20 pédiatres évoquaient un temps s’e ́ talant entre 45 et ce que c’est je ne dis pas cancer surtout si je ne l’ai pas dit aux parents ; Je dis plutôt tumeur que cancer : une tumeur c’est rond (montre avec ses mains), c’est presque sympathique. » ; « Je ne dis pas le mot ‘‘une bête dans ton corps’’ comme certains parents le disent, ou quelque chose qui peut faire peur, et en plus ce n’est pas exact » ; « Non je ne dis jamais le nom pour les pathologies graves, car elles sont dans l’imaginaire collectif plus péjoratives qu’elles ne le sont en réalité ́. ». Les difficulté ́s et les obstacles rencontre ́s pour annoncer une « mauvaise nouvelle » Quinze sur les 20 pédiatres pensaient que le déficit intellectuel d’un enfant est un obstacle. Ils insistaient en effet pour dire qu’il faut « reformuler » et « adapter » le discours selon le degré ́ de déficience voire parfois ne rien dire :90min ; 6/20 pédiatres faisaient une annonce qui durait entre 20 et 40 min. Dans le cas d’une annonce de « mauvaise nouvelle » a` faire dans l’urgence : 9/20 pédiatres essayaient de pré ́ parer leur annonce en amé ́ nageant des conditions matérielles favorables : « On prend le temps quand même », « un endroit qui est un tout petit peu a` l’écart de la bataille » 􏰁 4/20 constataient l’urgence mais n’arrivaient pas a` dire ce qu’ils faisaient, ils « bricolaient » ; 4/20 tentaient d’apaiser la situation ; 3/20 disaient qu’il n’y a jamais d’urgence a` annoncer. Le langage se révèle être un aspect important dans l’annonce d’une « mauvaise nouvelle », si 5/20 des pédiatres disent qu’il n’y a pas de mots particuliers a` utiliser ou a` éviter, pour les 15/20 autres pédiatres ils choisissent des mots et des formulations particulières (Tableau 2). Quelques exemples de réponses : « Comment annoncer la consultation génétique ? . . . je triche, je parle d’examen General ; si on parle de généticien, les parents tombent de l’étagère. » ; « Pour la surdité, Il faut tourner les phrases de fac ̧on positive et non pas de fac ̧on négative, il faut éviter de dire ‘‘il ne parlera pas’’ mais au contraire ‘‘il est très performant pour telle ou telle chose’’. Concernant les mots ou les expressions utilise ́s, les pédiatres n’étaient pas à l’abri d’interprétations erroné ́ es de la part des enfants ; ainsi un pédiatre en donnait un exemple : « Un enfant qui avait une grosse rate et a` qui tout le monde en parlait, dit un jour en montrant son gros ventre : ‘‘J’ai la femme du rat dans mon ventre’’. Enfin, l’un des répondants a évoqué ́ son manque de formation « Je ne suis peut-être pas assez forme ́ pour connaître ces mots, c’est certainement très dans l’improvisation ». Quand nous avons demandé ́ aux pédiatres s’ils prononçaient le nom de la pathologie :

15/20 pédiatres disaient prononcer le nom de la maladie au cours de l’annonce de « mauvaise nouvelle » ; 5/20 autres pédiatres qui ne prononçaient pas le nom de la maladie au cours de l’annonce, il y avait 3 urgentistes qui « ne peuvent pas force ́ ment poser le diagnostic », et 2 hématologues : « Oui, je dis le mot exact surtout a` l’enfant (. . .). Après` s s’il demande 3/20 mettaient en cause des difficultés de compréhension d’un ou des parents, qu’elles soient d’ordre intellectuelle, ou culturelle. « On doit avoir deux discours en même temps, ce n’est pas l’ide ́ al. », « Les parents font parfois des réflexions de ́ places : ils peuvent par exemple demander un bilan génétique en disant ‘‘Parce que vous comprenez avoir un enfant comme c ̧a’’ ; ‘‘C’est toujours plus facile d’annoncer aux enfants qu’aux parents’’. Nous avons retenu la description d’un exemple particulier reposant sur un entretien avec un parent : « Un enfant est arrivé ́ avec sa mère pour une constipation sévère. La mère avait un regard vide, et ne comprenait pas ce qu’on lui disait sur la rate importante de son enfant. Au bout de 20 mn d’explications elle me dit : ‘‘Alors, qu’est-ce qu’il y a dans le ventre de mon fils ?’’ Ce fut difficile. Par rapport a une grosse rate par exemple, on va parler de globules, de moelle : 80 % des gens vont comprendre a` demi-mots qu’il s’agit peut-être d’une leucémie, et c’est plus facile a` annoncer car ils l’ont un peu deviné ́. Mais pour les autres, ceux qui ne comprennent pas, comme cette mère, c’est difficile. » ; 17/20 pédiatres disaient avoir eu d’autres difficulté ́ s d’ordre plus personnelles tel dans cet exemple : « Une fois, trois nouveaux patients sont arrivés ́ s dans la meˆ me journée ́ e, et j’ai duˆ faire l’annonce d’une Mauvaise Nouvelle aux trois. Pour le dernier, je suis sorti avec le sentiment de ne pas avoir e ́te ́ ‘‘présent’’, pas assez implique ́ . . . car en général je ‘‘mouille’’ ma chemise . . . et c’est avec lui qu’il y a eu ensuite des complications que je n’avais pas prévues avec le sentiment d’être ‘‘passe ́ a` cote ́’’ : Cela m’a servi de leçon ». Un autre exemple : « Pour un gamin de 13 ans chez lequel il y avait une suspicion de tumeur cérébrale, je lui ai dit qu’il y avait un truc dans sa tête, mais il n’arrêtait pas de me dire ‘‘je vais mourir’’. C’était horrible. Je me suis retrouve ́ bête. ». Ici, ces pédiatres mettaient en exergue leurs propres difficulté ́ s a` annoncer. Ils énonçaient le sentiment de culpabilité ́ qu’ils e ́ prouvaient, ou aussi le manque de disponibilité ́ personnelle et de réceptivité ́ « Si je n’y suis pas arrivé, c’est que je ne l’ai pas bien fait », ou encore le sentiment d’être trop implique ́ dans un mouvement d’identification aux parents « Parce qu’il avait l’âge de mon fils », ou bien la peur de faire face a` « l’effondrement » des parents, ou tout simplement l’incapacité ́ a` annoncer. Lorsque les signes cliniques étaient peu visibles, certains s’autorisaient même a` reporter l’annonce « Des pathologies « très froides » qui ne donnent pas beaucoup de signes et qui évoluent a` long terme ». Un pédiatre dans cette situation d’annonce diffère ́e a témoigne ́ « J’ai fini par le dire a` un moment que je n’avais pas prévu, en disant que ‘‘je ne sais pas mentir. . .’’ ».Langage utilise ́ ou e ́vite ́ lors de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle ».Le langage le plus souvent utilise ́Le mot « traitement » « Ca peut être grave » « Espoir »Dire « cancer » plutôt que leucémie « Il faut que je vous dise quelque chose » « Choisir des mots simples »« Prendre une voix douce »Dire « examen général » pour ne pas dire un « examen spécifique »qui fait peur« Récidive »au lieu de « rechute »« Un cap à passer »« J’ai une mauvaise nouvelle » « Tourner les phrases de façon positive » « Trouble auditif » Le langage le plus souvent evite ́Le mot «mort» « Pronostic », « échéance ». .Pas « leucémie » ni le nom delà maladie (éviter les termes techniques)Pas le mot « petit » qui minimise Pas le mot « très » qui amplifie « Je sais » (en position de savoir) « Consultation génétique » «Pas rechute car il ya chute» «Il n’y a rien à faire» ou « définitif » « Douleur » « Surdité ́ »« Aveugle » ; « Cécité ́ » «Handicap » Quand nous leur avons demandé ́ s’il leur e ́tait arrive ́ de ne pas parler a` l’enfant ou l’adolescent de sa pathologie, 9/20 pédiatres ont re ́ pondu par l’affirmative. Quand on leur a demandé ́ pourquoi Please cite this article in press as : Crosnier-Schoedel C, et al. Le vécu par le pédiatre de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » a` l’enfant et a` l’adolescent. leurs réponses ont été ́ multiples : le jeune âge des enfants « pas avant 7 ou 8 ans », le risque de mourir en cas de rechute, la fragilité ́ de l’adolescent, la proposition d’un nouveau bilan plutôt que d’annoncer un syndrome gène ́ tique avec déficit, ou encore des raisons inhérentes ́rentes a` la famille qui demande le « secret ».Dans les exemples de situations cliniques particulièrement difficiles d’annonce de « mauvaise nouvelle » choisis par les pédiatres, ils nous racontaient celles ou` souvent il était question de la problématique du partage du secret de la « mauvaise nouvelle » dans la famille comme le secret de la maladie d’un enfant cache ́ a` un des parents, ou le fait de devoir annoncer un pronostic létal en disant qu’il faut arrêter un traitement car il ne sert a` rien. Par ailleurs, les pédiatres étaient embarrés ́ s par la question de l’autorisation parentale a` obtenir pour annoncer aux enfants, car ils ne voulaient ni sortir du cadre le ́ gal, ni s’opposer aux parents. Pour 10/20 pédiatres, cette autorisation n’e ́ tait pas nécessaire, « Je ne leur demande même pas leur avis. C’est intéressant cette question je ne me la suis jamais pose ́ e » ; « C’est tellement e ́ vident qu’il faut expliquer a` l’enfant. Mais si un parent ne donne pas son autorisation. . . je ne sais
pédiatres estimaient qu’elle e ́ tait nécessaire voire indispensable « Oui les enfants sont mineurs et sous la responsabilité ́ des parents ». Quatre sur vingt pédiatres disaient ne pas savoir, car ils ne s’étaient jamais pose ́ la question. Comment le médecin perçoit et analyse l’annonce de « mauvaise nouvelle » qu’il a faite ? Lorsque nous avons demandé ́ aux pédiatres s’ils avaient l’impression que l’enfant ou l’adolescent comprenait toujours leur annonce : 4/20 pédiatres ont répondu oui ;16/20 ont répondu non ont suscité ́ beaucoup de commentaires. Les pédiatres se sont montre ́ s très implique ́ s avec des réponses riches et assez passionnelles pour certaines. Les superlatifs ont e ́te ́ nombreux et forts. Parmi les mots employé ́s, nous avons retrouvé ́ douze fois des adjectifs exprimant l’e ́ puisement physique et psychique « C’est dur, je suis mal, fatigue ́, pas fatigue ́ mais pas bien ... » ; « Vide ́ (...) c’est fatiguant, et le plus pénible c’est que je sais avant l’entretien que je vais faire basculer leur vie (. . .) que je suis maitre de leur destin » ; « L’ide ́ e c’est d’atte ́ nuer le choc, y a des familles tu sais que t’as pas amorti, tu souffres avec eux (. . .) des fois, je le vis en meˆ me temps qu’eux ». Deux réponses utilisaient le mot « attriste ́ », deux autres « de ́ stabilise ́ » et un, le mot « désespère ́ », « Si vraiment c’est une très « mauvaise nouvelle », je suis désespère ́ ». Une autre réponse décrivait le comportement contre-phobique mis en place par le pédiatre pour se protéger : « Je suis plus synthétique qu’avant, et j’ai ma méthode d’entretien : j’installe les chaises de la meˆ me manière, et je prends toujours la meˆ me position qui me va bien ». Les autres réponses a` ces questions ouvertes ont fait écho à la souffrance d’annoncer une ‘‘mauvaise nouvelle’’ : « On n’est pas préparé ́ a` tout cela en tant que médecin », « Vous faites une e ́ évaluation sur la pratique, mais vous ne me posez pas la question si je vais bien dormir : la qualité ́ de vie du médecin n’est pas prise en compte. . . vous préoccupez-vous du médecin qui est malmené ́ ? ». L’expérience ne semble pas une arme pour se protéger au contraire : « Avec le temps, je suis de plus en plus de ́ s’empare ́ » . . .. « Un jour j’ai duˆ annoncer deux mauvaises nouvelles a` la suite : pour l’une il s’agissait d’un grave problème irréversible chez une fillette adorable qui s’est mise a` pleurer avec ses parents d’une grande gentillesse. J’ai eu beaucoup de peine. Alors que pour la seconde, cela a e ́ te ́ beaucoup plus facile d’annoncer une autre ‘‘mauvaise nouvelle’’, parce que, d’une part, cela e ́tait beaucoup moins grave que pour l’enfant précédent, et que, d’autre part, l’enfant n’e ́tait vraiment pas sympathique. C’est idiot, mais j’avoue que j’aurai préfère ́ inverser les 2 annonces ». Enfin, 2 pédiatres en appellent a` la nécessite ́ du soutien de psychologues pour la famille et le médecin et 4 autres a` la nécessite ́ de formations : « Ce qui m’effare sur le plan médical, c’est qu’on n’est pas forme ́ a` l’annonce d’une ‘‘mauvaise nouvelle’’ et les connaissances que nous avons acquises sur le tas, arrivent trop tard et sont un véritable gâchis ». Notons d’emblée que, même si les auteures travaillaient dans la même institution que les pédiatres interrogent ́s, cela n’a eu aucune incidence sur les réponses comme l’atteste l’analyse qualitative de celles-ci. Par ailleurs, notons aussi que ce groupe de 20 pédiatres (Tableau 1) e ́ tait très représentatif du ratio homme–femme travaillant dans l’e ́ établissement hospitalier concerne ́ par l’étude. L’annonce d’une « mauvaise nouvelle » est une partie inhérente au travail du médecin. Si la présence indispensable des parents et de l’enfant, donne sens à cette annonce [7], c’est avant tout un acte médical a` part entière qui doit être fait par le pédiatre et par lui seul, car c’est lui qui s’occupe du suivi médical de l’enfant. Pourtant, en dépit de l’âge des me ́ déclins interroge ́ s et de leur temps respectif d’exercice de la médecine indiquant qu’ils possédaient déjà` une certaine expérience professionnelle quand nous les avons rencontrés (Tableau 1), dès les premières réponses, nous avons pu constater combien cela leur e ́ tait difficile. A partir de la première question, des pédiatres se sont positionne ́ s très vite dans leurs réponses par rapport a` leur propre ressenti « une e ́ preuve » ou « une galère ». Si certains des répondants ont de fini la « mauvaise nouvelle » comme un « pronostic vital engage ́ », le mot « mort » n’a e ́te ́ employé ́ qu’une seule fois. Cette mise a` distance dans les propos, témoigne de la d’entre eux ont introduit la notion de temporalité ́ nécessaire a` la compréhension : « J’en reparle plus tard et je l’interroge sur ce qu’il a compris »,
10/20 autres ont introduit la notion de reformulation dans l’après coup comme condition a` la bonne compréhension : « J’essaie de redire avec des mots différents » ; « parfois je demande l’aide du psy pour reprendre les choses avec l’enfant ». Pas. . . j’appelle la psy ». Six sur vingt
A la demande du pourquoi l’enfant ou l’adolescent ne comprenait pas toujours dès la première information :pédiatres se sont spontane ́ ment remis en cause par rapport a` leur propre comportement a` gérer l’annonce : « On est dans le de ́ ni médecins compris » ; « Peut-être que je m’y prends mal ». Toutes les autres réponses mettaient plutôt en cause les enfants et les adolescents, ou leurs parents ; 6/20 avançaient le fait que l’enfant ne voulait pas ou ne pouvait pas entendre au plan psychique : « Les informations ne rentrent tout simplement pas a` l’inte ́rieur du cerveau, c ̧a n’a rien a` voir avec une incapacite ́ de compre ́ hension, c’est juste une de ́ fense » ; disaient que c’e ́tait a` cause du trop d’informations, la mauvaise information, ou l’emploi de termes inadapte ́s ; pointaient l’aˆge et les capacite ́s cognitives insuffisantes sugge ́raient que les « re ́sistances » venaient de la part des parents 1/20 disait qu’il fallait laisser du temps pour que l’enfant et l’adolescent comprennent A la fin des entretiens, nous leur avons demande ́ comment ils se sentaient apre` s une annonce de « mauvaise nouvelle », et ce qu’ils aimeraient ajouter eux-meˆmes spontane ́ment. Ces deux questions mobilisation importante des affects que nos questions ont suscite ́ s. En rapprochant les termes employe ́ s par les pe ́ diatres lors de leurs de ́ finitions de l’annonce de la « mauvaise nouvelle », et la fre ́ quence importante d’annonces qu’ils font, nous comprenons de ́ ja` pourquoi l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » est une souffrance pour eux. Si la majorite ́ voit la ne ́cessite ́ d’annoncer une « mauvaise nouvelle » a` un enfant ou un adolescent, les pe ́diatres semblent sommes souvent dans l’e ́ vitement de l’angoisse, le controˆ le de la situation et aussi dans « le politiquement correct ».  Annoncer une « mauvaise nouvelle » a` un enfant souffrant d’une de ́ ficience intellectuelle est tre` s majoritairement ressenti comme la premie` re des difficulte ́ s pour les pe ́ diatres contre toute attente, et bien avant celles qui pourraient concerner la prise en compte des diffe ́ rents stades de de ́ veloppement de l’enfant tant sur le plan cognitif que du langage. Un des pe ́diatres a ainsi exprime ́ le fait qu’il avait annonce ́ la « mauvaise nouvelle » a` un enfant de ́ficient pour s’apaiser lui-meˆ me : « Annoncer dans ce cas a un inte ́ reˆ t avant tout pour le me ́ decin, car c’est eˆ tre alors en accord avec soi-meˆ me, et c’est important ». D’autre part, meˆme si la plupart des pe ́diatres de cette e ́tude, imputent la responsabilite ́ de la non compre ́ hension de leur annonce, aux enfants ou aux adolescents eux-meˆmes (et cela malgre ́ leur manque de repe`res pour l’affirmer), ou bien encore a` leurs parents, d’autres soule` vent le fait qu’il n’ont peut-eˆ tre pas su bien s’y prendre ou n’ont pas su trouver les mots, le ton juste et l’attitude pour expliquer. Les me ́decins les « plus jeunes » semblent plus pre ́occupe ́s par le diagnostic me ́dical, les connaissances et la recherche « Il faut maˆıtriser une partie de la spe ́ cialite ́ pour pouvoir re ́ pondre aux questions » ou encore quand ils pre ́conisent l’annonce a` plusieurs « C’est pour le be ́ ne ́ fice pe ́ dagogique. C’est comme c ̧a que j’ai appris ». Le patient existe certes, mais il est comme mis a` distance. Au regard de l’ensemble des re ́ponses du questionnaire, notre constatation rejoint celle de A. Aubert-Godard et al., qui dans leur e ́ tude e ́ crivaient : « (Les me ́ decins) e ́ prouvent une satisfaction du devoir accompli malgre ́ les sentiments de solitude, d’e ́ chec et de culpabilite ́ , qu’ils tentent de compenser par la puissance d’un savoir a` transmettre (. . .) redoutant une contagion e ́ motionnelle, ils privile ́ - gient l’informatif au de ́ pend d’une communication empathique » [5]. Quantauxpe ́diatreslesplusaˆge ́s,plusa` l’aiseaveclediagnostic et n’ayant plus besoin de prouver leurs compe ́ tences me ́ dicales avec l’assise de leur expe ́rience professionnelle et de vie, ils semblent plus touche ́ s e ́ motionnellement, plus sensibles a` l’impact affectif de la maladie. Ils laissent plus de place a` l’empathie envers le patient, ce qui les rend plus e ́motifs et alors plus sensibles a` la perte et au deuil. « Quand j’avais 30 ans ces choses-la` , annoncer une mauvaise nouvelle, ce n’e ́ tait pas un proble` me, mais aujourd’hui. . . je suis plus sensible ». L’annonce d’une « mauvaise nouvelle » peut aussi re ́sonner comme une emprise angoissante sur eux « Il faut un temps d’adaptation » ou « Le soir et la nuit, c ̧a te travaille quand meˆme ». Le sentimentdesolitudeetlesentimentdedoutesurlacapacite ́ d’avoir bien fait son travail traduisent la blessure narcissique par la mise a` mal de « l’ide ́al du me ́decin » qui est de « gue ́rir ». Notons aussi le peu de communications entre les pe ́ diatres eux- meˆmes sur leurs difficulte ́s rencontre ́es et sur leurs souffrances personnelles, en opposition aux nombreux e ́ changes me ́ dicaux ou techniques qu’ils te ́moignent avoir avec leurs pairs. Comme si alors, montrer une faiblesse personnelle dans le processus d’annonce, c’etait remettre en question leurs propres competences me ́ dicales. A cet e ́ gard, beaucoup d’entre eux nous ont fait ressentir leur solitude et leur de ́ sarroi, comme l’ont atteste ́ les dernie` res re ́ ponses sur leurs ve ́ cus personnels. D’ou` l’e ́ vocation pour certains de la ne ́cessite ́ de formation ou d’accompagnement. Si l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » est un acte me ́dical, socle de toute prise en charge the ́ rapeutique, pour les pe ́ diatres concerne ́ s par cette e ́ tude, elle est aussi une source d’envahisse- ment e ́motionnel qui peut avoir un impact important sur son de ́roulement, malgre ́ l’aˆge et l’expe ́rience confirme ́s des pe ́diatres toutefois mal a` l’aise dans cet acte me ́ dical.
re ́ pondants mettent en place des me ́ canismes
psychiques inconscients [9]. Tels par exemple la de ́ ne ́ gation : « Je n’en vois pas (silence) un risque de suicide ou bien un comportement violent » (. . .) « Il y a ‘‘mauvaise nouvelle’’ et ‘‘mauvaise nouvelle’’. . . restitue ́ dans le contexte ORL, c’est pas force ́ment une ‘‘mauvaise nouvelle’’, c’est pas comme un cancer. . . » ; l’annulation re ́ troactive : « Je ne pense pas (silence) mais je pense qu’il y a des cas ou` l’annonce est complique ́ e » ou « Un de ́ faut de communication peut nous empeˆ cher d’annoncer (silence) mais on peut tous dire quelque chose », ou « Aucune raison (silence) apre`s (silence) jusqu’ou` annonce-t-on ? ». Le moment de l’annonce est e ́ galement re ́ ve ́ lateur des difficulte ́ s du pe ́ diatre. La majorite ́ pre ́ voit d’annoncer la « mauvaise nouvelle » en pre ́ sence des 2 parents qui doivent eˆ tre alors disponibles comme condition pour « prendre la de ́cision » de l’annonce. Si les pe ́diatres sont conscients que cette annonce doit eˆtre faite en deux temps, d’abord aux parents puis a` l’enfant en pre ́ sence de ses parents, la re ́ alite ́ est parfois toute autre : « J’annonce toujours aux parents puis a` l’enfant avec leur accord suivant l’aˆge : mais pas force ́ment a` l’enfant (silence). Par exemple, un enfant de 6 ans, on ne va pas lui expliquer, on lui dit juste qu’il faut qu’il prenne des medicaments ». Cette interrogation des pédiatres sur l’information module ́ e et adapte ́ e en fonction de l’âge de l’enfant est rare : seul un pediatre y fait allusion en specifiant donner l’information a` l’enfant vers 7– 8 ans et en notant une difficulté à le faire a` l’adolescence ; pour les autres, ils considérent qu’il n’y a pas de bon âge pour annoncer une « mauvaise nouvelle » quel que soit son contenu. La planification et le temps necessaire pour annoncer une « mauvaise nouvelle » de ́ pend de la specificite ́ du service hospitalier. De ce fait, nous avons releve ́ que les urgentistes peuvent rarement planifier l’annonce et ce sont eux, qui majoritairement annoncent sur un temps réduit une « mauvaise nouvelle » souvent hypothetique et vague. Mais, quelle que soit leur specialite ́ , lorsque les pédiatres se trouvent confronte ́s a` l’urgence d’une annonce, ils sont embarrasse ́ s, certains allant mème préférer la diffe ́ rer, mettant en avant la notion du temps ne ́cessaire pour annoncer. Ils montrent leurs incertitudes dans des conduites d’e ́vitements : « Il n’y a pas d’inte ́ reˆ t pour que l’annonce soit faite quand l’enfant est trop jeune, il ne pose pas de questions », « Il ne veut pas savoir », « Ses parents s’y opposent », et enfin en re ́ fe ́ rence a` la clinique du VIH/sida, « C’est le secret des parents » [10]. Le jeune aˆ ge des enfants, le risque le ́ tal, ou encore la fragilite ́ de l’adolescent ou de sa famille, sont e ́ galement mis en avant [11]. De plus, les pe ́ diatres redoutent surtout l’e ́ventuel « effondrement » des parents et d’avoir a` se confronter aux re ́actions e ́motionnelles de ceux-ci. Le langage et les mots a` employer occupent aussi une place cruciale dans les difficulte ́ s rencontre ́ es dans le processus de l’annonce par les pe ́ diatres. Les mots ne seront pas choisis selon des crite`res d’aˆge de l’enfant ou en fonction de la compre ́hension des informations a` lui transmettre mais toujours de fac ̧on subtile, pour contourner et rendre audible et tole ́rable l’annonce, que ce soit celle d’un pronostic, d’un risque le ́tal ou soit d’un handicap irre ́ versible. Les mots sont alors choisis de fac ̧on re ́ currente et automatique par les diffe ́ rents pe ́ diatres en fonction de leur propre ve ́ cu et de leur spe ́ cialite ́ . Les pe ́ diatres favorisent toujours les meˆ mes mots qui leur semblent approprie ́ s et qu’ils se sont approprie ́ s eux-me mes, pour mieux gerer la situation. Nous Beaucoup de de de fenses Please cite this article in press as: Crosnier-Schoedel C, et al. Le vecu par le pediatre de l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » a` l’enfant et a` l’adolescent. Archives de Pédiatre [12]. Selon eux, annoncer une « mauvaise nouvelle » c’est non seulement transmettre une information sur quelque chose d’irre ́versible a` des enfants ou des adolescents, mais aussi a` leurs parents. Cette particularite ́ de double annonce en pe ́ diatrie cre ́e une difficulte ́ supple ́mentaire pour ces me ́decins, sans cesse confronte ́s aux limites de leurs propres capacite ́s psychiques et professionnelles a` y faire face. Malgre ́ diffe ́rentes strate ́gies mises en place pour de ́ fier l’instabilite ́ e ́ motionnelle que provoque l’annonce d’une « mauvaise nouvelle » chez la plupart d’entre eux, beaucoup se sentent tout de meˆme de ́munis et fragilise ́s, jusqu’a` exprimer un profond sentiment de solitude et de culpabilite ́ . A cet e ́gard, plusieurs expriment un besoin d’aide et un besoin de formation sur « Comment bien annoncer une ‘‘mauvaise nouvelle’’ ? ». Car autant le partage des informations me ́dicales entre pe ́ diatres est ge ́ ne ́ ralement aise ́ , autant le partage des difficulte ́s a` annoncer reste impossible, ve ́cu par certains comme une incompe ́tence, presque de l’ordre de l’intime. « Le cas d’un jeune malade, atteint d’un cancer du pancre ́ as, que j’appelle mon « patient ze ́ ro », m’a cause ́ un choc. Non seulement je n’avais rien pu faire pour lui, mais je l’avais blesse ́ en ne lui disant pas la ve ́rite ́. Son regard de mourant m’accusait. A l’e ́ poque, les psychologues n’existaient pas dans les hoˆpitaux. Nous, jeunes me ́decins, n’e ́tions pas pre ́pare ́s a` faire face a` cette douleur morale. Apre`s cet e ́chec, soit j’arreˆtais la me ́decine, soit je me battais ».